La naissance d’un chevreau est un moment magique à la ferme. Ces petites boules de poils fragiles, gambadant dans les prés, cachent pourtant une vulnérabilité qui demande une attention toute particulière. Accompagner leurs premiers instants de vie est une responsabilité aussi exigeante que gratifiante. Que vous soyez éleveur aguerri ou propriétaire d’un petit troupeau familial, prodiguer les bons soins dès les premières heures est fondamental pour assurer la santé et la vigueur du nouveau-né.
Les gestes indispensables des premières heures
Dès la mise bas, l’urgence est de sécuriser le chevreau et de lui permettre un départ dans la vie des plus robustes. La nature est bien faite, mais parfois, elle a besoin d’un petit coup de main.
Immédiatement après la naissance, il est crucial de dégager les muqueuses des naseaux et de la bouche pour permettre au petit de respirer librement. Si la chèvre ne l’a pas fait elle-même, frictionnez-le vigoureusement avec une serviette propre et sèche. Ce geste simple permet de stimuler sa respiration et sa circulation sanguine, tout en le séchant pour éviter un coup de froid, auquel les nouveau-nés sont extrêmement sensibles.
La gestion du cordon ombilical est une étape sanitaire clé. Dès que possible, désinfectez-le soigneusement avec de la teinture d’iode à 7%. Cette pratique, apparemment anodine, est une barrière essentielle contre les infections qui pourraient pénétrer dans l’organisme par cette porte d’entrée encore ouverte. Renouvelez cette désinfection une ou deux fois dans les heures qui suivent pour une protection optimale.
Le premier repas, le colostrum, est sans conteste le soin le plus vital. Cette première sécrétion lactée de la mère, épaisse et jaunâtre, est bien plus qu’un simple lait. Véritable concentré d’anticorps, elle transmet au chevreau son immunité passive, le protégeant contre les maladies durant ses premières semaines de vie. Cette immunité n’est efficace que si le chevreau absorbe le colostrum dans les 6 premières heures suivant sa naissance, car la paroi de son intestin se referme progressivement après ce délai.
Le chevreau doit téter de lui-même. Observez-le. S’il est vigoureux, il trouvera le pis de sa mère après quelques tâtonnements. S’il est faible ou si la mère est inexpérimentée, vous devrez peut-être le guider. La quantité de colostrum nécessaire est d’environ 10% de son poids vif dans les 24 premières heures. En cas d’impossibilité (mère qui n’en a pas, chevreau trop faible), il faudra vous procurer du colostrum de remplacement congelé (provenant d’une autre chèvre) ou, en dernier recours, un substitut commercial.
L’alimentation et le logement : les piliers de la croissance
Une fois le cap critique des premières heures franchi, l’accent se porte sur une croissance régulière et un environnement sain.
L’allaitement est la norme. Un chevreau élevé sous sa mère développera généralement la meilleure santé et la plus grande robustesse. Il tétera à la demande pendant plusieurs semaines. Si vous optez pour un élevage au biberon, que ce soit par choix ou par nécessité, la rigueur est de mise. Utilisez un lait spécifique pour chevreau, dont la composition est adaptée à leurs besoins. Le lait de vache, trop différent, est à proscrire.
Les biberons doivent être donnés à heures régulières, environ 4 fois par jour au début. La quantité et la fréquence évolueront avec l’âge et le poids de l’animal. Une hygiène irréprochable des biberons et des tétines est non-négociable pour éviter les troubles digestifs, souvent fatals aux jeunes chevreaux.
Dès l’âge de deux à trois semaines, même s’il tête encore, proposez-lui du foin de bonne qualité et des aliments concentrés spécialement formulés pour les chevreaux. Cela stimulera le développement de son rumen, l’estomac des ruminants, et l’habituera progressivement à une alimentation solide. De l’eau fraîche et propre doit toujours être accessible.
Le logement doit être un havre de paix. Un abri sec, bien ventilé mais sans courants d’air, et généreusement paillé est indispensable. La litière doit être maintenue propre et sèche pour préserver la chaleur et prévenir les maladies. Les chevreaux détestent l’humidité et la saleté. L’espace doit être suffisant pour leur permettre de bouger librement et de commencer leurs joyeuses cabrioles, essentielles à leur développement musculaire.
Le suivi sanitaire et la socialisation
Au-delà de la nourriture et du toit, la santé au quotidien et le bien-être comportemental sont tout aussi importants.
Surveillez quotidiennement le chevreau. Un chevreau en bonne santé est vif, a les yeux brillants et le poil lisse. Un animal apathique, qui ne tête pas, dont les oreilles sont tombantes ou qui présente des selles liquides est un signal d’alarme. Les problèmes de santé les plus courants sont les diarrhées, les problèmes respiratoires et le parasitisme. Une intervention rapide est cruciale ; n’hésitez pas à contacter votre vétérinaire en cas de doute.
L’écornage est une pratique courante, surtout dans les troupeaux laitiers, pour des raisons de sécurité. Si vous décidez de l’effectuer, il doit être pratiqué dans la première ou deuxième semaine de vie, par une personne expérimentée et en utilisant une méthode la moins douloureuse possible, sous anesthésie locale.
Enfin, n’oubliez pas l’aspect social. Les chevreaux sont des animaux grégaires, joueurs et curieux. Le contact humain régulier, doux et patient, les habitue à la présence de l’homme et facilite grandement leur manipulation future. Les caresses, les paroles douces et les moments passés avec eux sont investis dans une relation de confiance qui durera toute leur vie.
Élever un chevreau, c’est assister à un miracle de la nature qui grandit jour après jour. C’est un engagement qui demande du temps, de l’observation et une grande dose de tendresse. En suivant ces principes, vous offrirez à votre chevreau toutes les chances de se transformer en une chèvre adulte forte, saine et épanouie.